Du 15 mars au 2 avril, le collège a accueilli l’exposition Urban Yegg de Gauthier Leroy.
Urban Yegg est une proposition d’un ensemble de sculptures de l’artiste qui ont pour point commun de traiter du monde de la musique.
Dans sa pratique, Gauthier Leroy détourne des objets, les refabrique, les déplace en les changeant de contexte, transforme les matières et les tailles. Il établit de nouvelles relations entre les éléments de ses sculptures.
Par exemple, les « Radios » sont des caisses en bois, habituellement exposées accrochées au mur, qui évoquent les vieux postes de radio par lesquels ont gardait un lien culturel et informé sur le monde. Ces radios servent de socle à une sorte de discussion entre deux éléments, par exemple un étrange personnage fait de boules de résine blanche, qui rappelle un bonhomme de neige étiré, dont le visage est une cassette audio en céramique ; il côtoie une structure aux cercles concentriques (les ondes de la radio ? Le son dans l’espace?) qui s’étendent autour de la grille d’un micro, le tout sur un trépied. C’est à nous de combler les manque du dialogue, d’imaginer la nature des relations entre les objets : le travail artistique ne se donne pas, et demande au regardeur un effort d’observation.
Visuellement, les sculptures de Gauthier Leroy oscillent entre le recyclage de petits objets insignifiants (capsules de bouteille, mégots) et un travail extrêmement soigné, dans lequel le choix des matériaux est toujours essentiel. Il utilise des objets et des matériaux reconnaissables, refabrique d’autres objets, à l’échelle ou plus grand, mixe et mélange les références. On a alors là les briques de base qui servent au processus de travail de Gauthier Leroy : des références à la culture populaire, où le moindre tract peut devenir un bas relief, un clin d’œil au design de bon goût, un postulat qui laisse visibles les moments du travail. Comme pour la musique, où il serait absurde de vouloir séparer le moment de la performance du résultat, le travail de Gauthier Leroy met en avant le processus comme un des constituants signifiants.
D’autres parallèles encore : la reprise comme un hommage (des éléments de design sont cités explicitement dans Fishbone Tool, une sculpture à partir de la structure reconstituée avec des lycéens d’une table de Jean Prouvé), le sampling, quand il prend un élément de culture et le change de contexte (Un modèle réduit de Calder qui sert de socle pour une noix de coco), le remixage, quand en changeant la texture d’un objet il en change l’appréciation (les cacahuètes en céramique, les bidons de pétrole en contreplaqué). Plus classiquement, aussi, on pourrait citer le motif, quand un élément revient obstinément dans plusieurs travaux, la variation, quand le même objet est décliné dans plusieurs versions (la série des assiettes avec des restes, en céramique)
C’est aussi ça dont il est question : peut-on penser même la plus absurde des formes avec un œil esthétique ? Chez Gauthier Leroy, par exemple, à partir de quel moment la forme devient-elle sculpture ? Une boule, de la taille d’une main, avec un vernis qui dégouline et une couleur un peu répugnante, surmontée d’une autre, et de deux autres encore, avec un mégot planté dans celle du haut : ça convoque la sculpture enfantine, le bonhomme de neige, la représentation de la figure humaine, et ce personnage semble attendre depuis un certain temps sur cette étagère en forme de radio au mur, comme en témoignent les autres mégots qu’il y a autour de lui, comme dans les dessins humoristiques où le futur père attend nerveusement de pouvoir voir femme et enfant.
Au mur sont accrochés des sortes de nœuds papillons, qui sont en fait des sabliers renversés, en relation avec le temps qui s’est arrêté, presque étranglé, pendant le confinement. On y lit en grandes lettres « HOBO », « TRAMP » « YEGG », des mots qui nomment les vagabonds de la culture américaine, ceux qui voyageaient avec les trains de marchandise en cachette, et vivaient parfois de vols. On les retrouve dans la littérature, de Mark Twain à Jack Kérouac en passant par Jack London. Les mots ont une apparence maladroite, ils sont façonnés de façon irrégulière en appliquant de la résine sur des cacahuètes. L’autre aile de ce nœud papillon démesuré est une composition avec du tissu ou de la fourrure, des mégots, des plaques de cuivre ou encore un robinet qui laisse s’écouler des boules brunes.
Le titre de l’exposition, urban yegg, s’il est inspiré en partie d’une pièce de Gauthier Leroy (Yegg, 2020), vient renforcer encore l’aspect un peu clandestin de concevoir le travail artistique. Un yegg, dans l’argot américain, c’est le surnom donné à un bandit itinérant, un casseur de coffre-fort. On retrouve ici les notions de déplacements (physique, mais aussi symbolique : un déplacement du champ populaire au champ artistique, une sorte de vadrouille entre des espaces culturels), et l’idée que l’œuvre d’art, par sa conception même, procède par effraction, avec l’idée de l’appropriation d’éléments extérieurs —comme le voleur s’approprie les valeurs des autres, Gauthier Leroy cherche comment intégrer pour fabriquer ses œuvres des éléments tirés du blues, de la culture musicale, du bricolage, du design et de l’architecture, des publicités…
Une visite de cette exposition a été organisée pour tous les élèves de l’établissement dans le cadre du cours d’arts plastiques et rayonnera dans la globalité du collège à travers son exploitation dans de nombreux cours.
Les classes chaap ont particulièrement été mises à contribution, et les travaux des élèves sont exposés dans les couloirs attenants à la salle d’exposition.
Gauthier Leroy a participé à une performance musicale avec les élèves de cham, une reprise du standard de blues Baby Please Don’t Go, accompagnés par Isabelle Saint Yves du Concert d’Astrée et des enseignants du collège, pour laquelle il y a eu une captation vidéo par les élèves de 3e chaap.
Plus que jamais à travers cette exposition le collège Makeba se montre le collège des arts.