Le Señor de las imágenes de Graciela Iturbide est une photographie issue de la collection du CRP/ de Douchy les Mines (Centre Régional de la Photographie) exposée au collège Boris Vian de Coudekerque-Branche lors de l’eroa « Manifestons nous » (mars-avril 2018).
Sur cette photographie, on découvre un personnage inquiétant, avec un visage mince voire maigre qui disparaît dans l’ombre. Son regard est tourné vers l’objectif, il semble vouloir nous passer un message. Ce « Seigneur des images » qui se promène dans la rue en créant des images éphémères, n’est-il pas lui-même un reflet de l’artiste ?
Les deux miroirs qu’il porte ajoutent deux images à la photographie de Graciela Iturbide, images dans l’image certes, mais pas de simples mises en abyme : ce n’est pas la même image qui se répète, mais son contre-champ qui s’invite dans le cadre. La photographie réunit grâce à la présence des miroirs plusieurs points de vue opposés.
Cette multiplicité des points de vue ne permet pas pour autant de comprendre totalement ce qui se joue sur cette place : pourquoi toutes ces personnes sont-elles rassemblées ? Y a-t-il un événement ou bien le lieu est-il simplement très fréquenté ? Et que fait cet homme avec ses miroirs ?
Graciela Iturbide s’est beaucoup intéressée aux rituels (en particulier ceux liés à la mort), ainsi qu’aux symboles et aux traditions. Mis en regard avec d’autres de ses photographies, toujours puissantes sur le plan narratif, souvent inquiétantes, cet homme apparaît facilement comme un magicien qui capturerait les âmes avec ses miroirs, comme ont pu le craindre certains amérindiens lors de leur première confrontation à l’image photographique. Et en Occident, on ne compte pas les mythes et légendes qui confèrent un pouvoir surnaturel à l’image, qu’elle soit fixée (comme la photographie) ou insaisissable (comme le miroir).
L’image photographique n’est pas un miroir du réel, elle ne se résume pas à une simple empreinte objective, comme on a tendance à le croire parfois. Son rapport au monde est plus complexe, puisqu’elle est toujours plus ou moins une construction subjective. Elle nous révèle non pas la réalité, mais une réalité incomplète et singulière, (dé)formée par le prisme de l’artiste et de son médium. Elle n’est pas la vérité, mais une forme d’expression particulière.