Lionel Estève a accepté de venir travailler au collège, malgré un agenda chargé.
Il propose alors aux élèves de l’option pratiques artistiques de participer à l’élaboration de l’exposition : il vient à la rencontre des élèves, et nous discutons avec le groupe de la relation que les élèves, au collège, peuvent avoir avec les manuels scolaires, les livres : malgré les efforts des éditeurs pour rendre les cours attractifs, avec les illustrations, les couleurs, la mise en page… les heures de travail que ces ouvrages représentent pour les élèves au quotidien, le respect imposé que les élèves doivent à ces livres qui leurs sont prêtés évoquent bien plus l’ennui et la morosité. Il se trouve que le collège doit se défaire de nombreux ouvrages, ceux du CDI, ou les anciennes séries de manuels scolaires obsolètes. Ce sera notre matériau de départ.
Lionel propose d’intervenir directement sur les livres : par des interventions graphiques, des pliages, des découpages, il s’agit de rendre ces pages plus personnelles, plus étonnantes, que l’intérieur du livre soit plus ‘grand’ que l’extérieur, que lorsqu’on le prend dans le rayonnage, on soit surpris par ce qu’on découvre à l’intérieur. Les premières propositions des élèves vont, de façon logique, vers des idées destructrices : «on va le brûler, le déchirer…» ; puis la question du résultat émerge : que va-t-il rester à regarder ? Comment présenter ?
L’enthousiasme des séances de travail va amener les élèves à investir ces ouvrages de façon plus sculpturale que graphique : ils prendront en compte la matérialité du livre, travailleront en pliage et en découpage plus que par dessin, par graffiti…
La seconde idée est une intervention qui se fera au feutre, sur les vitres de la salle d’exposition : un grand dessin fait de petits points, de différentes couleurs, qui sera visible autant de l’intérieur que de l’extérieur, mais de façon différente : les couleurs seront plus facilement visibles de l’extérieur, à cause du contre-jour, mais le dessin sera une interface entre la cour de récréation et la salle. Des lignes qui forment une trame, qui vient recouvrir ce qu’on voit derrière la vitre, ces milliers de points comme suspendus dans les airs, entre deux espaces. Un dessin de sculpteur, comme l’explique Lionel Estève.
Michael Lilin