Marie Noëlle Boutin aime photographier les gens : ici, ailleurs. Elle pose sa chambre photographique et les observe dans leur relation à l’espace dans lequel ils circulent. Qu’ils prennent la pose ou qu’ils soient saisis dans une action quotidienne, banale, le travail de la lumière et de la profondeur de champ sont toujours aussi prégnant.
Parmi ses images, il y a celles des femmes : jeunes filles, jeunes femmes, travailleuses. Elle porte un regard tout particulier sur leur image : elle aussi est une femme ; une femme qui montre les autres femmes, par le biais du médium qui lui est cher : la photographie.
Comment photographier ces femmes, pour montrer quoi ?
L’image de la femme dans l’art du XXIème siècle évolue-t-elle avec les transformations de la société ou reste-telle enfermée dans les stéréotypes du passé ?
Les représentations récentes de femmes dans les photographies de Marie Noëlle Boutin montrent-elles l’image d’une femme libérée ? Ses photographies sont-elles le reflet du statut de la femme dans la société ? Quand bien même les modèles photographiés montrent une évolution de ce statut, parvient-on à sortir des clichés quand on pose devant l’objectif du photographe ? Au final peut-on faire un cliché sans cliché ?
Autant de questions que pourront se poser les élèves en découvrant ces portraits pris dans le Béthunois, à Ribérac, et à Annaba en Algérie.
Jeudi 27 novembre à 18H, avait lieu le vernissage de l’exposition intitulée « femmes d’aujourd’hui » présentant des portraits photographiques réalisés par Marie Noëlle Boutin. La photographe était présente et a pris le temps d’expliquer patiemment son travail aux élèves qui sont venus le découvrir.
Ils sont nombreux à avoir fait le déplacement avec leur famille pour cette événement annuel dans notre établissement, qui attire aussi des habitués ,extérieurs au collège.
Nous avions déjà proposé une exposition à l’artiste il y a quelques années autour d’une question : comment les jeunes vivent ? Cette fois, c’est l’image de la femme qui nous a interpellés dans son travail. Dans le bain quotidien d’image dans lequel nous vivons, et qui montre trop souvent encore la femme sous l’angle du stéréotype, quelle position peut prendre l’artiste photographe ? Comment une femme photographe pose-t-elle le regard sur ses modèles féminins. Comment les choisit-elle ? Et comment décide-t-elle de nous les offrir au regard ?
Les élèves ont bien compris par leurs travaux récents en arts plastiques ,que vous avez pu découvrir dans le couloir devant le CDI, que c\’est le photographe qui fait le portrait. Ses choix de cadrage, de point de vue, de mise en scène ou pas, d’éclairage, et de mise en espace de son modèle, servent sa quête : ce qui fait la beauté des portraits de Marie Noëlle Boutin, c’est la qualité de la composition de ses images et sa capacité à mettre en exergue la beauté d’âme de ses modèles. C’est comme si leur vie et leurs pensées venaient sourdre à la surface sensible de la photographie. Comme un arrêt sur image qu’elle a minutieusement organisé de manière à permettre au spectateur d’imaginer la totalité du film de leur vie. Un regard, un objet, un détail dans l’espace à l’arrière plan, autant d’indices dont le spectateur va s’emparer pour donner vie et sens à ce portrait. Comme les grands peintres le font dans leurs tableaux, Marie Noëlle Boutin compose son image avec une grande minutie, un sens infini des détails et de la lumière. C’est comme si le temps c’était arrêté, l’espace d’un instant, sur la vie de ces gens, qu’elle observe dans leur quotidien somme toute banal. De ces lycéennes à Ribérac, aux jeunes algériennes d’Annaba, en passant par ces travailleuses du nord de la France, malgré la diversité des cultures , l’identité féminine d’aujourd’hui se dessine : avec ses espoirs, ses rêves, sa soif d’indépendance, et sa vie quotidienne pas toujours très facile. Au delà de la qualité artistique des photographies, c’est aussi cette problématique que nous travaillons avec les élèves. Nous constatons encore trop souvent le manque d’ambition des filles au collège et leur soumission à des stéréotypes que l’on croyait révolus. A l’heure de la parité et de l\’égalité fille garçon, scandées par les plus hautes instances de l’état, on sait que la réalité est encore toute autre et que beaucoup de chemin reste à parcourir. Notre documentaliste, Mme Heduy, proposera aux élèves de s’interroger sur eux-mêmes et leur ouverture d’esprit concernant cette pseudo égalité, au travers d’une exposition humoristique : « Bien dans son genre », sous la forme d’un quizz. Elle met également à leur disposition une bibliographie sélective. Mme Wozniak, en français, a incité ses élèves à produire des textes qui rompent avec les stéréotypes. Ces écrits truculents sont aussi à découvrir dans le CDI. M.Dimster et Mme Telliez ont axé une partie de leur travail de l’année avec les élèves en option découverte professionnelle, sur cette question de l‘image femme. Elle paraît déterminante si l’on veut préparer l’identité professionnelle de nos élèves. En effet, l’image que les filles ont d’eux-même et celle que leur renvoient les garçons sont primordiales dans leur construction et dans leur projection dans une vie professionnelle d’adulte. C’est sous la forme d’analyses d’images que M.Dimster a incité les élèves de DP3 à s’exprimer, vous pouvez les découvrir au niveau du coin lecture. Pour étendre cela il a proposé pas plus tard qu’hier, à toutes les filles de 3e du collège d’assister à une conférence sur les sciences de l’ingénieur au féminin. Des techniciennes et ingénieures sont venues débattre avec les élèves et présenter leur métier et leurs parcours professionnels et personnels. C’est sans doute le charisme de femmes illustres qui permettent l’évolution de l’image des femmes dans notre société. Elles incarnent leur féminité au delà de leur apparence physique et elles luttent pour pouvoir exister autrement que par cela. Le rôle des artistes est également essentiel, surtout dans le domaine de la photographie où tout le travail consiste à ouvrir le regard du public, au delà des clichés, sur des images différentes de celles proposées par les divers médias . Face à l’immédiateté des images du quotidien, Marie Noëlle Boutin s’offre le luxe de la lenteur, et des détails, due par ailleurs à l’usage de la chambre photographique. Il faut prendre le temps de s’ attarder, devant ces photographies qui nous offrent l’instant d’une pose toute la finesse du regard de la photographe.
Gaétane Lheureux