Michel François – Pièces à convictions – Collège Desrousseaux – ARMENTIERES – janvier 2014

du 27 janvier au 20 février 2014, l’EROA du collège Desrousseaux accueillera des travaux de l’artiste Michel François.

Pour l’exposition «Pièces à convictions», au collège Desrousseaux, un ensemble de travaux sera emprunté directement à l’artiste. 

Le titre, employé pour plusieurs de ses expositions, se raconte ainsi : Michel François est allé visiter les sous-sols du Palais de Justice de Bruxelles, et y a pris des photos. Il a été marqué par le parallèle qu’il pouvait établir avec ses œuvres, sur l’appréhension des objets : l’artiste choisit un objet comme partie prenante d’une œuvre, mais cet objet peut très bien se retrouver dé-qualifié à la fin de l’exposition. Le bloc de polystyrène utilisé pour l’Achoppement, fixé au sol par le ruban adhésif argenté, redeviendra un bloc de polystyrène quand l’exposition sera démontée. Il est transitoirement une œuvre d’art, comme un objet qualifié de pièce à conviction lors d’un procès perd cette qualité lorsque le procès est terminé. 

«J’aime ce terme juridique et autoritaire, qui donne un statut extraordinaire à des objets a priori banals et inoffensifs. Qui les qualifie fortement, mais de manière provisoire, jusqu’à ce que l’affaire qui les concerne soit réglée et qu’ils retournent à l’“anonymat”. Tous ces objets ont une charge réelle en tant que témoignages d’un fait spécifique, qui a eu lieu.» 

Discussion entre Michel François et Guillaume Désange, à l’occasion de l’exposition au CRAC du Languedoc-Roussillon, 2012

Le travail de Michel François est la trace d’un point de basculement : basculement entre la vie quotidienne et l’art, entre ce qui fait partie de notre environnement immédiat, et des conditions particulières qui permettent à un objet, une matière, un geste de devenir un événement artistique. On partira de pas grand chose : une feuille qui se chiffonne, une chose posée sur une autre, la chute de quelque chose qui laisse une trace… 

Trouver une forme à une idée, trouver une idée dans une forme, les œuvres se présentent comme des sculptures, où le même procédé peut se développer d’une façon minimale à une version plus maximaliste, comme le Scribble, ce gribouillage qui se déploie dans l’espace : des boucles, dont la matière est difficile à déterminer, qui peuvent avoir une taille modeste ou remplir toute une pièce, qui sont une ‘tentative de réaliser une sculpture à partir d’un dessin insignifiant’ (catalogue ‘Plan d’évasion’ (Gand, 2010)) : un tourbillon fait de tuyaux en aluminium ou en plastique, recouvert de plâtre, se déploie dans l’espace d’exposition comme un gribouillage en volume, à la fois aérien, plein de vide et dense par son occupation de l’espace. Il existe également plusieurs formes pour les Instant gratifications, flaques de bronze jetées au sol, qui laissent voir les projections de métal en fusion, les éclaboussures de métal se retrouvent au mur dans diverses tailles. Plusieurs versions aussi pour À l’arraché, un pain de terre, net, cubique, très géométrique, recouvert de feuille d’or, dans lequel une poignée de terre a été arrachée avec force et déposée au sommet : le geste est lisible, les intentions claires, les interprétations multiples.

Les sculptures montrent généralement leur processus de fabrication de façon lisible, en partant d’un procédé et en le développant jusqu’à ce qu’il ‘bascule’ dans la sculpture.

Un des principes que développe Michel François est de partir d’une idée, d’un matériau, et de construire à partir de là une sculpture ou une installation qui en soit à la fois un développement et un aboutissement plastique, on bascule alors d’un élément insignifiant à un étonnement, comme s’il avait exprimé la sculpture qui y était cachée, comme une évidence qu’on n’aurait jamais imaginée. 

Une grande attention est alors portée au geste, aux matériaux, souvent tirés du quotidien, aux objets. Ainsi les feuilles de plâtre sont des moulages en plâtre d’une feuille chiffonnée, mimant le papier par la couleur et la texture alors que la matrice est de métal, dont l’une, ici, est surmontée d’un savon, parce que le geste pour chiffonner une feuille est le même que celui de se savonner les mains. Ainsi, cette bobine de ficelle, prise dans de la cire rouge, qui occupe de façon étonnante l’espace avec un fil qui en sort et qui rejoint, tendu, le plafond ; on est alors obligés d’en faire le tour, de prendre ce presque rien en compte dans notre appréhension du lieu. 

Michel François capture aussi le monde en photo, en portant le même regard particulier sur ce qui l’entoure. Un moment a priori anodin, un arbre couché, une pieuvre pêchée, une petite fille qui crie, un chantier à l’échafaudage un peu bricolé : autant de moment où ce qui est habituel bascule et devient artistique. Une fois qu’il a été arraché par la tempête, l’arbre devient une sculpture au sol, avec ses branches brisées qui pointent agressivement, évoquant des formes animales ; la pieuvre est projetée sur le sol, les tentacules enroulés dans des volutes cernées de tâches d’encre, un écho à la flaque de bronze de l’autre mur. Les photographies, imprimées au format de grandes affiches, peuvent être montrées dans la ville, collées de façon ‘sauvage’, sans légende (une des remarques de Michel François est de dire qu’on a pas du tout l’habitude de voir des images sans qu’elles soient commentées, annotées, légendées… il veut aller à l’encontre de ça et confronter les photographies, brutes, au regard, sans les contextualiser par le verbe) ; ces images sont aussi montrées dans les expositions, collées au mur et généralement accompagnées de piles d’affiches, le visiteur peut se servir ; la pile, comme forme sculpturale, diminue alors au fil des jours.

Au delà de l’anecdote, ce qui intéresse l’artiste, c’est avant tout de souligner que la création, l’art ne sont pas un domaine éloigné de la vie quotidienne, et qu’on peut retrouver des formes plastiques dans la vie quotidienne.

Une série des affiches photographiques de l’artiste va également être montrée ; ces images où il capte des moments de sculpture dans le monde, cliché d’un instant où on voit une opération ou une question sculpturale surgir, qui seront collées à différents endroits du collège, de façon presque clandestine, pour faire irruption dans l’environnement, sans accompagnement ni légende. 

L’exposition portera donc sur deux axes : dans la salle d’EROA, un ensemble de travaux portant sur la matière ; hors les murs, un ensemble d’images qui, par leur présence même, questionneront l’espace scolaire et sa perception.

Michel François est un artiste belge, né en 1956 à Saint Trond.

Il a été le représentant de la Belgique à la Biennale de Venise, a exposé aux Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, à Berne et à Lausanne, à Munich, à Villeurbanne et Sète, et il a fait l’objet d’une importante rétrospective au SMAK de Gand. 

Sylvain Courbois, qui est assistant de Michel François, viendra animer un atelier auprès d’une classe de 4è. Un assistant, c’est une personne qui est au service de la production d’un artiste, qui aide à la réalisation des pièces. Certaines pièces doivent être démontées et remontées lors des expositions, certaines pièces doivent être modifiées selon les lieux, certaines œuvres sont même re-fabriquées à chaque fois qu’elle sont montrées.

Michael Lilin