Nathalie Boutté – « Laissez parler les petits papiers, papier de riz ou d’Arménie » – Collège Boris Vian – COUDEKERQUE-BRANCHE – mars 2016

Née en 1967, Nathalie Boutté vit et travaille à Montreuil, près de Paris.

Ni photographie, ni sculpture, ni dessin, les collages de Nathalie Boutté sont tout cela à la

fois.

Laissez parler les petits papiers, papier de riz ou d’Arménie“… Impossible de ne pas penser à la chanson écrite par Serge Gainsbourg en 1965, en découvrant le travail de Nathalie Boutté.

Elle a commencé à travailler à 20 ans comme graphiste traditionnelle. A cette époque  l’informatique ne faisait pas encore partie du métier et les Rotring et cutter étaient ses outils de travail. Une grande partie de son métier était manuelle. L’artiste a toujours aimé ce contact avec le papier. Malgré l’omnipotence de l’informatique, elle n’a jamais abandonné ce contact avec le papier. C’est le matériau de prédilection avec lequel elle travaille actuellement.

Nathalie Boutté réalise des collages composés de milliers de petites languettes de papier.

Son travail repose sur le volume du papier et son impression de légèreté.

Nathalie Boutté  a gentiment prêté deux de ses œuvres pour l’exposition eroa « Fragile Résistance » du collège Boris Vian à Coudekerque-Branche.

L’artiste découpe en languettes toutes sortes de papier et offre une deuxième vie à des matériaux qui avaient déjà une vie propre. Ces languettes sont collées une à une sur leur partie supérieure. Les languettes de papier sont choisies une par une, pour leur propriété et leur origine. Ce papier a une brillance, possède une histoire, Nathalie Boutté s’en sert pour différents sujets, leur redonnant alors une seconde vie. L’artiste ne commence la réalisation, à proprement parler, du collage, que lorsque tout est en place et qu’elle sait exactement où elle va. L’artiste avance ligne par ligne, en commençant par le bas, chaque ligne recouvrant partiellement la précédente.

Ces petites bandelettes de papier s’additionnent et se superposent pour créer des oeuvres tridimensionnelles. Le temps nécessaire au collage est toujours très long, certains grands formats ont demandé plusieurs mois de travail. Une Pénélope des temps modernes ? Nathalie Boutté crée entièrement “à l’aveugle“. Tout part d’une photo ou d’un dessin qu’elle pixellise à fond et auquel elle applique un quadrillage, qui lui servira de trame. Elle applique alors une première rangée au bas de sa toile, puis superpose régulièrement ses bandelettes en remontant ligne par ligne. Comme sur une palette de peintre, ses bandes de papiers sont disposées dans des bols, triées par coloris _ selon une gamme chromatique décidée au préalable. Si ses premières oeuvres jouaient une belle variation sur le “gris typo“, ce n’est pas un hasard.

Elle propose aussi des collages réalisés avec des grammages de papiers différents, 45 gr notamment. Le contraste créé par ces deux épaisseurs ne peut se voir qu’en transparence, devant une vitre. Outre cette réflexion sur la transparence et la lumière, le travail de Nathalie Boutté interpelle aussi par la double lecture qu’offrent ses tableaux, selon que l’on s’en approche ou s’en éloigne. Elle affectionne le papier, tout type de papier.

Il s’agit d’un véritable plumage de feuilles. Ni photographie, ni sculpture, ni tissage, ni dentelle, ni dessin, les collages de Nathalie Boutté sont tout cela à la fois. Des oeuvres créées sur le principe du pixel et inscrites au coeur d’une recherche sur la matière et le volume. L’artiste dessine en sculptant le papier, des pixels matérialisés, un pelage pictural. De près la texture du papier est omniprésente alors que la distance avec l’oeuvre fait disparaître la matière intrinsèque au profit d’une réalisation picturale, un montage fascinant et magique.

A l’ère du “tout numérique“, Nathalie Boutté souhaite laisser une trace de ces écrits qui ont accompagné sa vie. Le papier se libère de son rôle de support et d’archive, et retrouve une énergie qu’elle tente d’exprimer. Ces oeuvres donnent envie aux spectateurs de caresser ces pelages imprimés. L’artiste tente d’amener le spectateur à se souvenir, dans quelques années, du rapport qu’il avait avec la matière, du temps des livres imprimés.

Fanny Rougerie