Wim Delvoye – Dominique Goubelle – Des animaux et des hommes : à la croisée des dess(e)ins – Collège François Mitterrand – THEROUANNE – novembre 2016

Vernissage vendredi 25 novembre à 18H, au collège François Mitterrand de Thérouanne.

Des animaux et des hommes : à la croisée des dess(e)ins.

Notre projet est de faire découvrir aux élèves le travail d’un dessinateur de presse : Dominique Goubelle. A la fois proche d’eux (il est originaire de Berck sur mer)et de grande notoriété ( il a succédé à Geluck dans VSD en 2013, il y publie un dessin par semaine intitulé signé Goubelle, en pleine page, à la place du Chat , et il publie dans d’autres journaux comme Le Point, Marianne …).
Les élèves pourront le rencontrer et découvrir ses dessins, ainsi que sa méthode de travail.
L’idée était aussi d’ancrer ce travail de dessin satirique dans l’histoire, car les élèves n’imaginent pas que la caricature est une histoire très ancienne et que depuis longtemps, les artistes dessinent pour faire passer des messages.

Il existe au musée de l’hôtel Sandelin de Saint-Omer une dalle de pavement du 13ème siècle très étrange et énigmatique, exposée dans le sous-sol du musée : on peut y voir la représentation satirique d’un évêque. Elle a été retrouvée sur l’emplacement de l’ancienne cathédrale de Thérouanne, sur le site archéologique à deux pas de
notre collège. Elle témoigne déjà d’une irrévérence . Comment peut-on imaginer que sur le sol d’une cathédrale, figurait la représentation d’un évêque, chef de l’église, sous cette forme : corps animal tel une chimère, avec une tête humaine, tenant une crosse d’évêque d’une main et de l’autre un énorme poisson. Aucune certitude n’est établie concernant cette figure, mais il se pourrait qu’il s’agisse d’une allusion ironique et peu généreuse des chanoines de Thérouanne aux prétentions émises par leurs confrères de Boulogne au 12e siècle afin d’obtenir l’érection d’un évêché dans leur ville et, par suite, le démembrement de celui de Thérouanne.
Cet objet d’art qui fait partie de notre patrimoine très proche, ne devrait pas manquer d’interpeller nos élèves et de les faire réfléchir aux origines anciennes de la caricature.
Cette découverte a tout naturellement orienté notre projet vers la caricature animalière, présente au sein de la production éclectique de Dominique Goubelle.
Dominique Goubelle nous a permis par ailleurs d’entrer en contact avec Guillaume Doizy,critique de l’histoire de la caricature et du dessin de presse, qui a orienté une partie de ses recherches sur cette problématique zoomorphique . Il a co-écrit avec Jacquy Oudré en 2010 un ouvrage intitulé Bêtes de pouvoir : Caricatures du XVIe siècle à nos jours. Jacquy Houdré a accepté de nous prêter des éditions originales du 19ème du 20ème et du 21ème siècle, issues de journaux satiriques, sur lesquelles figurent des caricatures qui utilisent la métaphore animale. Guillaume Doizy co animera avec Dominique Goubelle un atelier dessin de presse : l’actualité en dessin ; et apportera sa vision d’historien de la caricature sur notre exposition.

L’image de l’animal est également présente dans toute une partie de l’art contemporain. Wim Delvoye cultive un art du détournement et de l’ironie, entre hommage et irrévérence, amusement et finesse, beauté des formes et réflexion sur l’art, mélangeant les genres et les époques, proposant une relecture d’objets hétéroclites ou ordinaires. Même si l’œuvre de Wim Delvoye est faite pour plaire comme pour choquer, moins dans l’intention de heurter les sensibilités ou de scandaliser, que d’inciter le visiteur à mieux regarder le monde qui l’entoure. Dans sa ferme située près de Pékin, Wim Delvoye fait tatouer des porcelets. De leur vivant, les bêtes choyées sont élevées dans l’Art Farm et soumises à la spéculation des collectionneurs et des investisseurs.Une fois morts, les cochons tatoués sont empaillés tels des trophées de chasse quand d’autres peaux sont présentées sous cadre. Menant à son paroxysme le mécanisme capitaliste, l’Art Farm propose d’enchérir sur le vivant. Elle en imite le processus économique (élevage, spéculation,mort, exportation, transformation…). L’être vivant comme marchandise fonctionne si bien que Delvoye tatoue également des humains qu’il expose – bien vivants – et soumet au marché de l’art ! Il faut dire que le cochon renvoie inéluctablement à l’Homme, de par son alimentation, son épiderme et sa physiologie. Wim Delvoye tente de
concilier, d’unifier cet animal fortement connoté à l’Homme, par l’intermédiaire du tatouage.
La galerie Bruxelloise de l’artiste nous prêtera un des magnifiques dessins préparatoires au tatouage des porcs.
La découverte de ces œuvres et la rencontre par les élèves de Dominique Goubelle et de Guillaume Doizy va permettre de nous interroger sur les desseins de ces représentations, ainsi que sur la notion de caricature :
Que proposent les artistes à partir de la société et de l’actualité ? Pourquoi et comment la dessiner ?
Qu’est-ce qu’une caricature ?
Que peut-on ou ne peut-on pas dessiner ? Peut-on rire de tout ? Qu’est-ce que l’irrévérence en art ? Sur quoi portent les devoirs éventuels des artistes ?
Ont-ils toujours eu la même liberté d’expression, et comment évolue-t-elle ?
Plus précisément, il s’agira de questionner le « bestiaire » caricatural :
Pourquoi et comment est utilisée la métaphore de l’animal en caricature ?
Est-ce récent ?
Que permet-elle de dénoncer plus particulièrement ?
En évoquant le règne animal qui nous est si proche et pourtant si lointain, les hommes règlent-ils leurs comptes avec les failles de leur propre humanité ? L’image de l’animal est-elle utilisée pour son caractère agressif, régressif … ?
Comment les artistes plasticiens comme Wim Delvoye, s’emparent de cette image de l’animal ?
Comment la connectent-ils aux hommes ? Pour dire quoi ?
Est-ce la même démarche pour les dessinateurs de presse satirique ?
Quelles différences y-a-t-il entre un artiste plasticien et un dessinateur de presse ?
Est-ce le même dess(e)in ?