Ont été présentés des travaux de l’exposition Tout Campagnolo, de 1988, avec de grandes silhouettes de coureurs sur lesquelles viennent se sur-imposer des dates de la Révolution Française, dont c’était le bicentenaire. On saisit alors que Yves Brochard et Claude Darras mettent en parallèle l’idée de la révolution, la construction d’un idéal, avec le cyclisme, son pragmatisme dans le travail de groupe et son individualisme. Il ne s’agit pas d’opposer l’Histoire et le cyclisme, mais de montrer les points communs qui peuvent exister dans les efforts collectifs dans l’un et l’autre domaine.
La série des repentis avait été montrée à Lille en 2013, s’attache à représenter des coureurs qui ont avoué s’être dopé. Les deux artistes ne travaillent alors plus à quatre mains, comme chaque cycliste se spécialise au sein de l’équipe, chacun s’empare d’un medium pour produire les œuvres communes : à Yves la peinture, à Claude la sculpture.
Ce sont des portraits frontaux, où les coureurs souriants sont montrés au moment de la gloire, se retrouvent éclairés par la faute, la tricherie. Il y a un déplacement du sens de l’image, entre le moment où le cliché a été pris, et le moment où Yves Brochard s’en inspire pour faire sa peinture. C’est une image officielle qui sert de base, le coureur se tient droit devant l’objectif, qu’il fixe. Les couleurs des maillots, la pâte de la peinture redonnent une réalité charnelle à l’image, les repentis sont souvent cadrés au niveau du bassin, les jambes qui sont la force des sportifs disparaissent.
Claude Darras modèle, parfois de mémoire, des bustes de cyclistes, dans des tailles et des styles différents. La marque des doigts sur les visages rend évidente la plasticité du matériau, comme autant de corps qui se modifient et se déforment lorsqu’on y injecte des produits. Le buste met en avant l’énergie du coureur, la force de caractère, parfois le visage est déformé jusqu’à la caricature, comme tendu dans l’effort. Claude Darras accompagne chacune de ses sculpture d’anecdotes sur les coureurs, en intarissable connaisseur du monde du cyclisme de compétition.
Datant de 2010, des peintures inspirées par la Course de la Paix, l’équivalent du Tour de France dans les pays du bloc de l’est, derrière le rideau de fer, dont les couleurs montrent à la fois l’énergie déployée et le temps passé. Encore une fois, le cyclisme, la politique et l’histoire se mêlent, dans les intentions de l’époque, et les intentions des artistes. Datant de la même période, des sculptures de chutes, sculptures délicates et aériennes d’un moment où la gravité reprend ses droits, où l’humain perd le contrôle malgré la volonté, malgré le désir.
Michael Lilin