Le Collège Desrousseaux a été heureux d’accueillir du 1er au 31 mars 2016, dans le cadre de l’EROA, Pas le temps de tergiverser, une exposition de Yves Brochard et Claude Darras,
Les deux artistes, qui travaillent ensemble depuis un grand nombre d’années, ont présenté dans ces lieux fraîchement inaugurés un ensemble de travaux qui tourne autour de ce qui est l’ossature de leur travail depuis longtemps : le cyclisme.
La course cycliste est un thème devenu majeur chez les artistes qui à travers leurs œuvres évoquent des destins individuels, des histoires collectives, un rapport au monde, par la mécanique, l’histoire, la société et la culture.
La course cycliste, un théâtre du monde, où les espoirs individuels doivent s’accorder avec le travail en équipe, avec ses tragédies, ses héros.
Le cyclisme prend la mesure du monde dans ses excès ; il exige démesure de l’homme, une tension complète qui touche aux organes et au cerveau. C’est le lieu infernal du maximalisme. (Philippe Bordas, Forcenés, Paris Fayard 2008)
L’exposition présente une série de portraits de coureurs cyclistes professionnels, peints ou sculptés. C’est ce professionnalisme qui nous intéresse : à travers ce qu’on appelle dans le milieu «faire le métier» — faire le métier, pour un coureur professionnel, c’est accepter de se mettre au service d’un système plus grand que soi, un engagement à dimensions multiples.
Claude Darras et Yves Brochard ne jugent pas, dans leurs œuvres. Ils se sont toujours gardés de faire des travaux trop pédagogiques, trop directifs, et ils préfèrent laisser le regardeur dans une sorte d’indécision dans laquelle il devra lui-même trouver des chemins, des significations. La course cycliste a un enjeu métaphorique, sans qu’il soit possible de savoir précisément lequel : le coureur est de façon égale pris dans la pression de la compétition, il est aussi une figure d’émancipation, tout autant solitaire que membre d’un groupe, le cyclisme est en même temps performance, réussite, échec et faiblesse, il est à la fois individuel et collectif.
Les formes employées sont assez traditionnelles : peinture à l’huile, modelage, comme si on pouvait croire que ce n’était pas la question —même si, bien sûr, la question de la forme n’est jamais très loin, les deux artistes étant préoccupés par tous les aspects techniques et formels de leur travail. Ces œuvres faussement traditionnelles sont aussi un moyen de nous amener à nous questionner sur ce que nous voyons vraiment. C’est de la valeur des images, des formes, dont il est question aussi.
Michael Lilin