Workshop des 4ème avec Adrien Degioanni.
Les élèves de la classe de 4ème ont pu passer une journée entière en compagnie de l’artiste. La matinée a été consacrée à une visite de l’exposition, puis à une déambulation dans l’école à la recherche de sons spécifiques aux lieux et bien connus des élèves, qui les ont enregistrés avec leurs téléphones et un enregistreur apporté par Adrien. L’après-midi a permis de réaliser une œuvre collective où chacun est venu accrocher un haut parleur qu’il/ elle avait personnalisé sur un porte-manteaux trouvé par hasard dans l’école. L’ensemble des hauts parleurs diffusait en boucle un montage réalisé par Adrien avec les sons collectés le matin. Quelques surprises s’étaient glissées dans le montage, l’artiste ayant modifié si subtilement les sons familiers avec son logiciel qu’ils en devenaient étrangement distordus et exotiques. Ainsi la sonnerie du collège est devenue une mélodie céleste. Avec des sons trouvés et des objets récupérés par-ci par- là dans leur lieu de vie, les élèves ont réalisé une sorte de totem sonore et poétique.
Par Anne Lilin, enseignante d’arts plastiques.
Interview d’Adrien Degioanni par les élèves de 3eme
24 février. (Chloé Mayot, enseignante de lettres modernes)
3eme : Depuis quand faites-vous des œuvres d’art ?
Adrien : Ça a commencé très jeune, peut-être à votre âge. J’avais envie de dessiner, de bricoler. J’ai fait une prépa artistique à Biarritz et à Toulouse. Je suis devenu artiste plasticien.
3eme : Vous avez commencé quand le dessin ?
Adrien : Une dizaine d’années, je n’ai jamais été très doué, ce sont mes parents qui m’ont emmené. La musique c’était vers 12 ou 13 ans, j’ai joué de la guitare. Ensuite j’ai arrêté. Aujourd’hui je fais de la musique électronique.
3eme : Depuis quand faites-vous des œuvres sonores ?
Adrien : Depuis 5 ou 6 ans.
3eme : Vous pensez à quoi avant de faire vos œuvres ?
Adrien : Le sonore ça peut être tout. Je pense à certaines préoccupations ou envie. D’un seul coup, je vais m’intéresser à la notion du temps, à l’imagerie du chantier, etc. C’est très variable et très varié.
3eme : Est-ce que vous vous inspirez d’autres artistes ?
Adrien : Oui, consciemment ou inconsciemment.
3eme : Est-ce que vous avez des œuvres dans des musées ?
Adrien : Oui, j’ai eu des œuvres exposées. A Bayonne, au musée d’histoire Basque de Bayonne. Prochainement au FRAC de Dunkerque. Et dans des boutiques ? Oui, dans une boutique qui avait fermé et qui a servi de lieu d’exposition.
3eme : Quels sont vos artistes préférés ?
Adrien : Je ne me fixe pas sur quelques artistes.J’aime beaucoup l’art conceptuel et l’art minimaliste, comme Dan Graham. Sur le plan sonore : John Cage. Et Schafer, un canadien qui a beaucoup théorisé, qui a créé beaucoup de concepts et d’idées sur les sons.
3eme : Comment vous prenez vos sons pour les exposer ?
Adrien : J’appelle ça des sons de silence. Par exemple ici j’ai disposé dans l’espace des micros, pendant la journée, pendant que vous dormiez. Ça m’a donné de la matière
3eme : Vous avez fait environ combien d’œuvres ?
Adrien : Une dizaine. Peut-être un peu plus.
3eme : Avez -vous des films que vous adorez ?
Adrien : Surtout la science-fiction. J’aime bien ce genre d’objet filmique parce qu’il y a une espérance, un futur. Star Wars, la menace fantôme, vous l’avez vu? Moi je l’ai vu quand j’avais 8 ou 9 ans, il y a une course, quand ils ont tous allumé leurs moteurs, j’ai été très frappé par tous les sons, et j’ai fermé les yeux. Et en fermant les yeux, j’ai eu l’impression de voir le film. Et j’ai fait l’expérience inverse, je me suis bouché les oreilles, la scène était beaucoup moins bien, moins crédible.
3eme : Quelle est votre œuvre préférée ?
Adrien : Des œuvres de Richard Serra, des grandes parois en métal, au Guggenheim à Bilbao. C’était une expérience curieuse et agréable, quand on tape avec nos mains, cela crée des effets, des résonances…
3eme : Quel est votre repas préféré ?
Adrien : Est-ce que tu as 2h devant toi, parce qu’il y en a beaucoup… Dernièrement je me suis cuisiné une bonne lasagne…
3eme : Si votre carrière d’artiste n’avait pas marché, qu’auriez-vous fait ?
Adrien : Il y a d’autres choses qui m’intéressent, je fais de la musique, c’est une autre manière de travailler, j’en fais pour des courts-métrages, des vidéos, des publicités. Je fais aussi de la modélisation 3D. Et je fais aussi des lampes, des luminaires.
3eme : Quand vous parlez de jeux vidéos, qu’aimez-vous ?
Adrien : J’aime les FPS, pour les immersions à la première personne, pas forcément des jeux de tir. Il y a plein de jeux qui apportent de l’émerveillement. Et aujourd’hui, le travail d’environnement sonore, de sound design, est devenu de plus en plus captivant.
3eme : Avec les matériaux que vous utilisez, quelles sont les étapes ?
Adrien : Souvent je travaille avec de la récupération. Dans les villes dans lesquelles je peux me balader je trouve des déchets, mais parfois ce sont des choses qui ne sont pas cassées. Je les récupère. Pour le moment il n’y a pas d’interactivité (sauf pour Impact, dans la version ERDV). J’utilise des lecteurs audios, des amplificateurs.
3eme : Pourriez-vous nous montrer une de vos œuvres ?
Adrien : prend une pipette et fait tomber une goutte, qui déclenche un son. La goutte d’eau tombe sur une plaque, avec un micro en-dessous. Le son de l’impact de la goutte est amplifié.
3eme : Et c’est uniquement l’eau qui fait que ça marche ?
Adrien : Non, mais on en reste à la goutte d’eau pour éviter les accidents. Ce son, ça vous évoque quoi ?
3eme : C’est intrigant. Ce bruit est satisfaisant, mais cela doit être infernal s’il y a plein d’eau, comme un robinet.
Adrien : Justement, l’idée c’est de capter un micro évènement et lui donner une dimension beaucoup plus importante. Ça m’est venu parce que j’avais une fuite d’eau, et que le bruit la nuit me semblait infernal.
3eme : Il y a un dicton qui dit plus c’est gros, plus ça passe (c’est pour le mensonge).
Adrien : Il y a beaucoup de pollutions sonores. Dans n’importe quel centre-ville, ça devient un brouhaha, une cacophonie. Ça fatigue.
3eme : Peut-être que certains sons devraient être bannis. Comme le bruit de la craie sur le tableau.
Adrien : On a tous nos singularités, j’ai un ami, ce qui le fait souffrir c’est le bruit d’un ballon de baudruche. L’ouïe, on ne peut pas l’enlever. On peut fermer, les yeux, se boucher le nez. Mais le son nous parvient tout le temps. Même chez une personne qui a une surdité totale, il y des sons fantômes.