Présentation de l’artiste et du projet
Avec son travail, Adrien Degioanni questionne le son, le silence, et les espaces dans lesquels il est invité à exposer. Ses assemblages sont composés de tubes de verre, de hauts parleurs récupérés, de câbles laissés visibles, de matériaux de construction de bâtiment transformés pour évoquer d’autres matières plus exotiques et naturelles (un rocher, une météorite peut-être), ou d’objets du quotidien portant une histoire. Ils offrent des expériences sonores ou vibratoires et captent l’attention. Ces sculptures prennent place dans l’espace d’exposition et modifient leur ambiance sonore. Le son diffusé est toujours un son indigène, prélevé sur place puis distordu ou capté en temps réel : le silence nocturne des bâtiments, le tic tac de la montre, la chute d’une goutte d’eau deviennent des pistes de décollage pour l’imagination.
Les installations in situ d’Adrien Degioanni questionnent notre rapport au lieu et aux sons qui les animent à différents moments de la journée.
L’EROA intitulé par l’artiste LE SENS DES SONS est l’occasion de se questionner sur ces sons qui enrobent et accompagnent la plupart de nos activités, et sur leur pendant qu’est le silence. Qu’ils soient fabriqués, produits involontaires des activités humaines, consommés, subis, étouffés, peu perçus ou ignorés, ils sont omniprésents et impactent nos existences et nos comportements d’une manière parfois insoupçonnée.
La mise en lien du son et de l’espace est un sujet d’étude intéressant dans le contexte de l’ERDV : les personnes déficientes visuelles ou non voyantes s’appuient particulièrement sur le son pour construire leur représentation des espaces traversés et vécus, d’autres de nos élèves ayant des troubles du spectre de l’autisme réagissent fortement à des situations liées aux espaces bruyants, et les élèves du CAP accordeurs de piano sont particulièrement sensibilisés aux questions de l’acoustique.
Les œuvres d’Adrien Degioanni n’ont pas la vocation d’être manipulées, mais elles touchent par le son et les vibrations qu’elles émettent. Une personne non voyante pourra aisément en saisir l’envergure matérielle, notamment par la description orale tant les moyens employés sont simple. Adrien Degioanni a par ailleurs adapté l’œuvre intitulée L’Impact afin que celle-ci produise un son après l’action d’un spectateur : faire tomber une goutte d’eau de l’autre côté de la pièce provoque ailleurs un son amplifié et méconnaissable. Une autre pièce, intitulée La théorie des miroirs, a été adaptée pour le public non voyant avec sa version en braille, c’est Inès, une élève aveugle de 4ème qui a aidé Adrien à transcrire en points braille les mots absence et présence grâce à une machine Perkins, sur un support spécial qu’Adrien avait imaginé pour l’occasion.
Par Anne Lilin, professeur d’arts plastiques.
Le sens des sons
« L’idée du projet réside dans la motivation à observer et s’approcher de notre réalité sonore, et ce, à travers l’écoute d’installations artistiques diffusant des bruits concrets in situ et des bruits de synthèses sans équivalent naturel.
En présentant ces dispositifs que j’ai réalisés, en partie dans la région Haut-de-France, j’ai l’intention de susciter un intérêt autour de bruits faibles, fragiles, que l’on nomme communément « silence ».
Ce sont très souvent des détails sonores constituant un espace – ici l’ERDV de Loos – leur faible dimension vibratoire nous empêchant de les apprécier…
L’ouïe étant insomniaque, il façonne en permanence, consciemment et inconsciemment, notre expérience au monde. Monde et société où l’audio a un rôle prédominant dans les médias, les réseaux sociaux et diverses formes de communication non verbale, il est important de réfléchir à la façon dont nous consommons « l’entendre ».
Le son a pour vertu, auprès de la conscience, de la forcer à former des images. Nos propres images. L’effort cognitif entre ouïe et mémoire ouvre des voies de fictions, d’abstractions infinies.
Le son est une étendue, notre écoute une perspective, notre attention un point de fuite. Il s’agira durant cette rencontre avec les élèves de l’ERDV, de leur faire entendre et parler sur cette notion des « sens des sons ». Voici l’imaginaire éveillé. »
par Adrien Degioanni, artiste.